Barry Sekou K.
Tout d’abord, le marché du travail canadien est un environnement composé d’hommes et de femmes. En effet, en 2020, lorsqu’on analyse le marché du travail, on peut constater qu’il est composé d’environ 52 % d’hommes et d’environ 48 % de femmes à un degré différent.
De plus, au Canada, le plein emploi absolu n’est pas une réalité, mais on s’y rapproche. En 1971, le chômage était de 7 %, c’est-à-dire qu’en 1971, sur 100 Canadiens désirant travailler 7 Canadiens étaient sans emploi. En janvier 2020, le taux de chômage au Canada est de 5,5 % (Figure 1).
En outre, le marché du travail canadien est sur le point d’être un marché caractérisé par le même nombre d’hommes et de femmes. En 1950, au Canada, sur 100 femmes, 21 femmes travaillaient alors que 98 hommes travaillaient. En 2015, sur 100 femmes, 81 femmes travaillent alors que 90 hommes travaillent (Figure 2). En somme, depuis 1950, le marché du travail canadien tend vers l’égalité du nombre de travailleurs et de travailleuses ainsi que vers le plein emploi.
Figure 1 : Les taux de chômage, en Ontario et au Canada, de janvier 2015 à janvier 2020. Source : Statistique Canada, Enquête sur la population active, Tableau 14-10-0287-01 (données désaisonnalisées).
Figure 2 : Taux d'activité des hommes et des femmes âgés de 25 à 54 ans, 1953 à 2014. Source : Statistique Canada, Enquête sur la population active (EPA), 1976 à 2014, et publications antérieures de l'EPA.
En 1951, la province ontarienne a promulgué la première loi canadienne sur l’équité salariale. De nos jours, il est illégal de payer une femme moins qu’un homme lorsqu’elle réalise le même travail sur le territoire canadien. Pourtant, lorsqu’on regarde les données statiques sur le salaire moyen qui nous sont accessibles, on peut constater que le marché du travail canadien est un marché présentant un écart salarial.
En effet, les femmes gagnent moins que les hommes au Canada. En 1998, sur le salaire moyen réel, l’écart salarial entre les hommes et les femmes était de 18,8 %. Durant cette année, lorsqu’un homme est payé 100 $, une femme était payée 81,2 $. En 2008, lorsqu’une femme gagne 44 700 dollars/an un homme gagne 62 600 dollars/an. Les femmes qui travaillaient à temps plein en 2008 ne gagnaient que 71 % du salaire de leurs collègues hommes. En 2018, le salaire horaire moyen réel des hommes était de 31,05 $; le salaire horaire moyen réel des femmes était de 26,92 $.
De plus, il est possible de constater un écart sur le salaire médian entre les hommes et les femmes. L’explication de l’écart salarial entre les hommes et les femmes en analysant que les salaires moyens limite notre affirmation sur l’existence d’un écart salarial. Malgré une analyse du salaire médian, on peut percevoir que l’écart salarial médian entre les hommes et les femmes en 2008 est de 76 %. En 2008, le salaire d’une année de travail d’une femme représente 76 % du salaire d’un homme (Tableau 1).
Tableau 1 : Gains médians des travailleurs à temps plein toute l’année (dollars constants de 2008). Tableau établi par l’auteure à l’aide de données de Statistique Canada, « Répartition des gains, selon le sexe, dollars constants de 2008, annuel », tableau 202-0101, CANSIM (base de données), E-STAT (distributeur), 10 septembre 2010.
Finalement, lorsqu’on observe le marché du travail, l’écart salarial entre les hommes et les femmes s’est réduit entre 1998 et 2018. Durant cette période, le salaire réel des femmes a augmenté plus que celui des hommes. En effet, le salaire horaire moyen réel des hommes a varié de 12,9 %, celui des femmes de 20,5 %.
En somme, on peut percevoir dans le marché du travail une égalité des chances face à l’emploi entre les hommes et les femmes. En effet, en 2014, les femmes représentaient 47 % de la population active alors qu’en 1950, elles représentaient moins de 10 %. Pourtant, on ne perçoit toujours pas une égalité des résultats au niveau des salaires d’après nos données : il existe concrètement un écart salarial moyen et médian entre les hommes et les femmes.
L’écart de rémunération entre les hommes et les femmes au Canada à des conséquences sur les femmes. La première conséquence est qu’au Canada, les femmes possèdent un plus grand nombre d’emplois. En effet, en 2009, sur 100 femmes, 56 femmes possédaient plus qu’un emploi alors que seulement 44 hommes possédaient plus qu’un emploi.
La seconde conséquence est l’augmentation des prestations sociales accordées aux femmes pour réduire cet écart de rémunération. De nos jours, il est difficile de vivre avec un salaire unique, surtout avec des enfants, et « parmi les familles monoparentales bénéficiaires, 84 % [ont] une femme à leur tête, et 16 %, un homme » (He et Fox, 2019).
La troisième conséquence est l’augmentation des femmes dans la vie politique, c’est-à-dire un taux de syndicalisation des femmes supérieur à celui des hommes. En effet, en 1981, le taux de syndicalisation des hommes était d’environ 42 % et celui des femmes d’environ 31 %. En 2014, le taux de syndicalisation des hommes était d’environ 27 %, celui des femmes d’environ 31 %. De plus, les femmes votent plus que les hommes. Les femmes ont été plus nombreuses que les hommes à voter à l'élection générale de 2015 du Canada.
En somme, l’inégalité salariale affecte les femmes en les poussant à avoir plusieurs emplois, à percevoir plus de prestations et à devoir participer plus à la vie politique par rapport aux hommes.
Il est possible d’expliquer l’existence de l’écart de rémunération entre les hommes et les femmes au Canada à travers plusieurs facteurs. La première explication est que les femmes réalisent plus de temps partiel que les hommes. En 2014, la proportion d’hommes qui travaillent à temps plein était autour de 75 %. Par contre, chez les femmes le taux était d’environ 57 %, vu que « les femmes sont plus susceptibles que les hommes de travailler à temps partiel et s’occuper des enfants […] » (Moyser, 2017). Le temps partiel explique environ 9 % de l’écart salarial entre les hommes et les femmes.
La seconde explication des inégalités salariales résulte du choix ou non du secteur d’activités des hommes ou des femmes. Le secteur privé est composé majoritairement d’homme, comptant en 2015 67,3 % d’homme. Le secteur privé propose de meilleurs salaires et prime par rapport au secteur public en termes de salaire plutôt que de bénéfices et avantage.
La troisième explication est le travail non rémunéré des femmes. Malheureusement, le boulot d’une maman n’est pas rémunéré par des dollars. Tout comme le dit de La Noë (2005), « il nous semble essentiel de réfléchir sur les moyens à mettre en œuvre pour permettre aux jeunes femmes de concilier une vie de mère et la nécessité, parfois vitale, d’une insertion professionnelle ». Il est difficile pour les femmes d’être des mamans et des employées à cause de plusieurs facteurs. Cette réalité impose un choix aux femmes et la plupart des femmes préfèrent être des mamans à temps plein et des employées à temps partiel, car il est plus facile de trouver un emploi à temps partiel qu’à temps plein.
La quatrième raison est que les femmes sont plus absentes au cours de la semaine à leur travail par rapport aux hommes. Au Canada, en 2015, 30 % des femmes ont été absentes à leur travail à un moment donné alors que chez les hommes 23,95 % l’ont été. Ces absences prennent plusieurs formes, telles que les congés de maternité.
L’écart de rémunération entre les hommes et les femmes étant présent sur le marché du travail, les pouvoirs publics y interviennent pour y remédier. Dans un premier temps, à travers l’instauration de la loi sur l’équité et l’égalité salariale, l’État cherche à assurer l’égalité de l’emploi entre les hommes et les femmes ainsi que le même salaire. Lorsqu’un employeur ne la respecte pas, il est sanctionné.
De plus, à travers l’instauration du salaire minimum, l’état assure l’égalité des salaires entre les hommes et les femmes recevant le salaire minimum. Entre 1917 et 1920, toutes les provinces au Canada à l’exception de deux (le Nouveau-Brunswick et l'Île-du-Prince-Édouard) instaurent le salaire minimum. L’instauration du salaire minimum par l’État a résulté en l’amélioration de la situation des femmes dans une certaine mesure.
Finalement, à travers l’instauration de prestation sociale, l’état cherche à réduire l’écart salarial entre les hommes et les femmes. Par exemple, les prestations sociales accordées aux mamans avec enfant sont supérieures à celui des papas avec enfants.
En conclusion, dans le marché du travail, malgré les interventions de l’État pour assurer l’égalité et l’équité, il existe un écart salarial entre les hommes et les femmes. Les hommes et les femmes sont différents. Travaillant plus et étant plus nombreux dans le marché du travail au Canada, il est indubitable que les hommes gagnent plus que les femmes.
Il est important de ne pas oublier que l’inégalité salariale affecte les femmes en les poussant à avoir plusieurs emplois, à percevoir plus de prestations et à devoir participer plus à la vie politique par rapport aux hommes, car elles doivent compter sur les syndicats et le gouvernement pour réduire l’écart de rémunération.
Il existe des facteurs explicatifs de cet écart de rémunération comme le type d’emploi (à temps plein ou à temps partiel), le choix du secteur d’activités (secteur privé ou public et secteur primaire, secondaire ou tertiaire), le travail non rémunéré (une maman n’est pas payée), et la présence au travail. Contrairement à 1950, en 2020, cette réalité ne semble pas être due exclusivement à un sexisme, mais à plusieurs facteurs.
Références
Cool, J. (2010). L’écart salarial entre les femmes et les hommes. Ottawa: Bibliothèque du Parlement.
de La Noë, Q. (2005). Femme au foyer, femme active : le choix impossible. Dans : Catherine-Juliet Delpy éd., L'enfant de 2 ans est-il un élève (pp. 23-28). Toulouse, France: ERES.
Élections Canada. (n.d.). « Estimation du taux de participation par groupe d'âge et par sexe à l'élection générale de 2015. »
Ferrao, V. (2010). Travail rémunéré. Statistique Canada.
Fulford, M., & Patterson, M. (2019). Les personnes ayant plus d’un emploi au Canada. Regard sur les statistiques du travail. Statistique Canada.
Galarneau, D., & Sohn, T. (2013). Les tendances à long terme de la syndicalisation. Statistique Canada.
Gouvernement de l’Ontario. (2020). Rapport sur le marché du travail, janvier 2020.
He, J., & Fox, D. (2019). Les bénéficiaires de la prestation fiscale pour le revenu de travail au Canada. Statistique Canada.
Leroux, É. (2003). Un moindre mal pour les travailleuses? La Commission du salaire minimum des femmes du Québec, 1925-1937. Labour / Le Travail, 51, 81–114.
Loi sur l’équité en matière d’emploi. (1995).
Morissette, R., Hou, F., & Schellenberg, G. (2015). Emploi à temps plein, 1976 à 2014. Statistique Canada.
Moyser, M. (2017). Les femmes et le travail rémunéré. Statistique Canada.
Patterson, M., Hazel, M., & Saunders, D. (2019). Bilan annuel du marché du travail, 2018. Statistique Canada.
Pelletier, R., Patterson, M., & Moyser, M. (2019). L’écart salarial entre les sexes au Canada : 1998 à 2018. Statistique Canada.
Statistique Canada. Enquête sur la population active, Tableau 14-10-0287-01 (données désaisonnalisées).
Barry Sekou K. est étudiant de deuxième année en science économique et science politique.
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