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Hong Kong et la fin du modèle « un pays, deux systèmes »

Dernière mise à jour : 29 janv.

L’approche du Parti communiste de Chine de Hu Jintao à Xi Jinping


Solène Simard


A photograph of Hong Kong's harbour and skyline from the mountains

Introduction


L’adoption sans consultation de la Loi sur la sécurité nationale de Hong Kong par la République Populaire de Chine en 2020 marque, aux yeux de plusieurs, la fin de l’approche « un pays, deux systèmes » (1P2S) qui avait régi la région administrative spéciale (RAS) depuis sa rétrocession en 1997 (Cheng, 2021, p. 1006). Pourtant, le modèle 1P2S fut particulièrement rentable pour la Chine au niveau économique au fil des années, lui permettant notamment d’attirer des investisseurs étrangers et partenaires commerciaux en utilisant Hong Kong comme centre financier international (Liu, 2020, p. 17; Wong & Xiao, 2018, p. 412). Alors, pourquoi changer de stratégie face à Hong Kong? Et pourquoi le faire maintenant? Le but de cet article est donc d’analyser les raisons pour lesquelles le secrétaire général Xi Jinping a décidé d’adopter une approche plus assertive et centralisatrice face à Hong Kong, ainsi que la manière dont cette dernière diffère de celle de son prédécesseur Hu Jintao.


« Un pays, deux systèmes »


Afin de mieux contextualiser ce changement de cap en matière des politiques hongkongaises du PCC, il est nécessaire de réviser en premier lieu les fondements initiaux de l’approche 1P2S ainsi que leur évolution dans le temps. Au moment de son adoption, 1P2S répondait au besoin pressant d’unification nationale qu’exprimait le PCC (Wong & Xiao, 2018, p. 411). Reprendre possession des territoires perdus lors du « siècle d’humiliation » était effectivement une étape nécessaire afin d’assurer la consolidation du pays, même au risque de menacer l’uniformité des lois et politiques de son État unitaire (Wong & Xiao, 2018, p. 411). D’autant plus que le secrétaire général à l’époque, Deng Xiaoping, était persuadé qu’instaurer l’approche 1P2S à Hong Kong faciliterait la réunification éventuelle de Taïwan avec la Chine continentale (Overholt, 2019, p. 1). Du point de vue de Beijing, l’approche 1P2S garantissait également à la Chine un certain niveau de contrôle sur les activités de Hong Kong sans nécessairement se faire influencer à son tour par la RAS, Hong Kong étant alors considéré comme un « socle de subversion » (Cheng, 2021, p. 997). Ce fut notamment cette inquiétude d’interférence étrangère qui poussa les autorités chinoises à inclure l’article 23 sur la sécurité nationale et la protection des intérêts du gouvernement central de Chine dans la Loi fondamentale de la région administrative spéciale de Hong Kong (Basic Law) après le massacre de Tiananmen en 1989 (Cheng, 2021, p. 1000).


Procéder à la réintégration de Hong Kong permettait également à la Chine d’atteindre ses objectifs économiques, comme attirer des investissements étrangers et acquérir une meilleure connaissance du capitalisme afin d’en utiliser les failles et les avantages (Cheng, 2021, p. 1008; Wong & Xiao, 2018, p. 412). Pour la population de Hong Kong, et la majorité des acteurs internationaux, 1P2S marquait dès lors le début d’une Chine plus ouverte sur le monde qui s’engagerait éventuellement dans une réforme démocratique après avoir adopté le système capitaliste de Hong Kong (Cheng, 2021, p. 1014; Chopra & Pils, 2022, p. 294). Il va sans dire que ces espoirs ne se réalisèrent pas (Wong & Xiao, 2018, p. 412). Alors que 1P2S est souvent interprété comme une approche économique autant que politique, ce que laisse notamment suggérer la Loi fondamentale avec ses multiples références aux principes de liberté et d’autonomie en théorie garantis jusqu’à 2047, le PCC n’a jamais réellement adhéré à cette interprétation (Cheng, 2021, p. 997; Chopra & Pils, 2022, p. 293-294; Wong & Xiao, 2018, p. 414). D’après Beijing, 1P2S serait de nature purement économique, faisant la distinction entre le système socialiste de la Chine continentale et l’approche capitaliste de Hong Kong (Wong & Xiao, 2018, p. 414). En effet, une transition démocratique ne peut être promise, puisque la nature même du PCC fait en sorte qu’il ne peut accepter une dilution de son monopole sur le pouvoir politique (Cheng, 2021, p. 1012). Par conséquent, la Chine perçoit Hong Kong comme une entité commerciale, et non politique, ce qui explique pourquoi la RAS possède un directeur général (Chief Executive) au lieu d’un maire ou d’un gouverneur (Overholt, 2019, p. 21).


Hong Kong sous Hu Jintao (2002-2012)


Les premières années de 1P2S furent assez clémentes pour Hong Kong étant donné le peu d’interventions du gouvernement central, et c’est dans ce contexte que le secrétaire général Hu Jintao accéda au pouvoir à la fin de l’année 2002 (Cheung, 2018, p. 256; Chopra & Pils, 2022, p. 298). Néanmoins, ce climat plus tolérant pris fin lorsqu’une première tentative de législation sur l’article 23 de la Loi fondamentale par le conseil législatif de Hong Kong en 2003 engendra des manifestations records de plus d’un demi-million de personnes, le projet étant alors perçu comme une attaque aux libertés civiles des Hongkongais (Cheng, 2021, p. 1000). L’indignation publique incita éventuellement le directeur général de Hong Kong à faire défaut à ses promesses au PCC concernant l’article 23 et à repousser indéfiniment la législation (Cheng, 2021, p. 1001). Ce premier échec encouragea Beijing à revoir sa stratégie vis-à-vis Hong Kong et à affirmer plus explicitement ses besoins fondamentaux, soit la souveraineté de la Chine (c’est-à-dire le PCC), sa sécurité ainsi que ses intérêts de développement (Wong & Xiao, 2018, p. 415, Cheung, 2018, p. 256-260).


Sous Hu Jintao, le PCC renforça dès lors son implication dans les affaires de Hong Kong de façon toutefois assez discrète, privilégiant fortement le travail de Front Uni (United Front) et l’influence nationaliste implicite au lieu de confrontations officielles afin d’assurer la protection de ces trois intérêts clés (Cheung, 2018, p. 256). Cette approche plus subtile laissait encore du pouvoir à la population de Hong Kong, qui ne craignait pas de se mobiliser pour défendre ses valeurs et les accords initiaux de 1P2S sur la liberté et l’autonomie (Chopra & Pils, 2022, p. 298). C’est ainsi qu’en 2007 le gouvernement central céda en acceptant l’instauration d’élections directes pour le directeur général de Hong Kong à partir de 2017, et pour le conseil législatif en 2020 (Dillon, 2021, p. 276). Le PCC de Hu Jintao démontrait donc encore de la flexibilité face à Hong Kong, plusieurs facteurs faisant en sorte qu’une attaque de front aurait été trop nuisible pour le gouvernement.


Effectivement, le poids économique de Hong Kong étant tout de même considérable à l’époque de Hu Jintao, réprimer ouvertement les libertés des Hongkongais aurait pu préoccuper les investisseurs étrangers et ainsi réduire les possibilités de développement économique de la Chine (Goldstein, 2020, p. 169; Liu, 2020, p. 4-5). D’autant plus qu’à un moment où la Chine gagnait rapidement en importance, Hu Jintao se devait d’adopter des politiques plus indulgentes afin de rassurer la scène internationale en infirmant les échos d’une « menace chinoise » imminente, évitant ainsi une défaite prématurée pour le PCC (Goldstein, 2020, p. 175). Convaincre les autres pays que la Chine prévoyait une « ascension pacifique » conformément à l’ordre international existant, au lieu de le défier, était primordial (Goldstein, 2020, p. 175). Finalement, le modèle 1P2S étant encore activement proposé à Taïwan, contester ouvertement ses conditions à Hong Kong aurait probablement détérioré l’attrait de la réunification nationale pour les Taïwanais (Chen, 2022, p. 1036, 1041). Attendre le moment opportun pour l’absorption complète de Hong Kong fut donc la stratégie principale de l’administration Hu en matière d’1P2S, et ce jusqu’en 2008.


Durant son deuxième mandat comme secrétaire général, les politiques d’Hu Jintao devinrent de plus en plus incohérentes avec « l’ascension pacifique » de la Chine (Blanchette & Medeiros, 2022, p. 64; Goldstein, 2020, p. 176). Une agressivité nouvellement acquise, notamment en ce qui a trait aux disputes maritimes dans la mer de Chine méridionale, suggérait ainsi aux acteurs internationaux que Beijing ne comptait plus respecter leurs règles (Goldstein, 2020, p. 176). D’après Goldstein (2020), Hu Jintao aurait pu percevoir, en 2008, le rapport de force international basculer en faveur de la Chine, les États-Unis étant alors accablés par les conséquences économiques et militaires de la grande récession et des guerres en Afghanistan et Iraq (p. 176). La Chine, quant à elle, ne pouvait mieux performer au niveau économique, ses taux de croissance et son produit intérieur brut (PIB) ne cessant de battre des records (Liu, 2020, p. 4). Malgré ses comportements perturbateurs, Beijing rejeta les critiques en insistant sur le fait que la Chine adhérait toujours à l’idée de « l’ascension pacifique » (Goldstein, 2020, p. 176). Cette inconsistance fut perpétuée jusqu’à la fin du deuxième mandat de Hu Jintao en 2012 (Goldstein, 2020, p. 176; Liu, 2020, p. 3).


Hong Kong sous Xi Jinping (2012-présent)


Bien que les quinze premières années de 1P2S fussent caractérisées par une certaine, voire minime, flexibilité de la part du PCC en matière de relations avec Hong Kong, l’ascension de Xi Jinping au pouvoir en 2012 annonça officiellement le début d’une nouvelle ère, beaucoup plus sévère et agressive (Chopra & Pils, 2022, p. 298; Lam, 2020, p. 961). En effet, une vague d’attaques sur les libertés et l’autonomie de Hong Kong suivit rapidement la nomination de Xi au poste de secrétaire général.


Tout d’abord, le 10 juin 2014, le Conseil d’État à Beijing publia pour la première fois un « Livre Blanc » sur la question de Hong Kong, que le secrétaire général Xi Jinping adopta ensuite dans son rapport lors du 19ème Congrès national du PCC en 2017 (Zhu, 2019, p. 25). Ce « Livre Blanc » proclame officiellement la souveraineté du gouvernement central sur Hong Kong et son pouvoir plénier dans sa gouvernance (Cheung, 2018, p. 263; Zhu, 2019, p. 25). Plus tard en 2014, en réponse à la décision de l’administration Hu en 2007, Beijing limita la liste des candidats admissibles pour le poste de directeur général de Hong Kong en prévision des élections de 2017, interdisant à tout candidat n’étant pas pro-Beijing de se présenter et assurant ainsi l’élection d’un directeur choisi par le PCC (Zhu, 2019, p. 25). Cette manipulation du suffrage promis aux Hongkongais en 2007 déclencha la montée de l’activisme pro-indépendance et plusieurs mouvements de manifestations, dont Occupy Central (Zhu, 2019, p. 25). Malgré 79 jours de manifestations en 2014, Beijing ne fit aucune concession quant à l’élection du directeur général de la RAS et devint au contraire encore plus assertif face à Hong Kong après les démonstrations (Cheung, 2018, p. 275; Chopra & Pils, 2022, p. 298; Dillon, 2021, p. 276; Lam, 2020, p. 979).


L’industrie médiatique de Hong Kong fut par ailleurs rapidement touchée par l’approche plus autoritaire de Xi, la protection des libertés d’expression et de la presse défendues dans la Loi fondamentale étant durement affectées (Cheung, 2018, p. 265; Chopra & Pils, 2022, p. 295). Les médias, trop intimidés par la surveillance accrue du PCC et ses possibles retombés politiques, se mirent à censurer leurs discours sur les enjeux jugés controversés, comme les manifestations de 2014 (Cheung, 2018, p. 265). D’autant plus qu’en 2016, pas moins de 35% des principaux médias de Hong Kong étaient, de près ou de loin, sous la direction de Beijing (Lam, 2020, p. 965).


En 2019, d’immenses manifestations à Hong Kong furent déclenchées en opposition à la promulgation d’une loi sur l’extradition vers la Chine que préparait la directrice générale Carrie Lam (Dillon, 2021, p. 277). Les Hongkongais craignaient notamment que Beijing utilise cette législation à son avantage afin de cibler ses ennemis politiques (Dillon, 2021, p. 278). L’intensité des manifestations poussa éventuellement Carrie Lam à abandonner la loi sur l’extradition. Alors que Beijing exerça une influence plutôt indirecte durant les manifestations, notamment à l’aide du Front Uni, de divers remaniements de personnel associé à la gestion de Hong Kong et même en mobilisant l’armée à Shenzhen en prévision de débordements, l’administration Xi ne tarda toutefois pas à punir ouvertement Hong Kong une fois les manifestations sous contrôle, mettant officiellement fin à tout compromis entre le PCC et la RAS (Chopra & Pils, 2022, p. 298, 303; Dillon, 2021, p. 285, 292, 293).


En effet, c’est en réponse aux démonstrations de 2019 que Beijing promulgua la loi sur la sécurité nationale de Hong Kong (LSN) le 30 juin 2020, et ce sans avoir suivi le processus législatif désigné dans la Loi fondamentale, étouffant ainsi tout espoir de respect futur de 1P2S par le PCC (Chopra & Pils, 2022, p. 292-293). La LSN crée trois nouvelles infractions dans le droit pénal de Hong Kong, soit la sécession, la subversion et la collusion avec un pays étranger ou avec des éléments extérieurs dans le but de mettre en danger la sécurité nationale de la Chine. Elle élargit également la définition des infractions qualifiées d’actes de terrorisme (Chopra & Pils, 2022, p. 300). Certaines des modalités sous ces infractions sont assez vagues et malléables pour être interprétées à la discrétion de Beijing, et ce sans aucune réglementation (Chopra & Pils, 2022, p. 300). Par exemple, la LSN pourrait potentiellement rendre la désobéissance civile pacifique, les discours politiques et les plaidoyers punissables d’emprisonnement (à vie, dans certains cas) (Chopra & Pils, 2022, p. 300-301). Le gouvernement central peut également décider de juger certaines de ces infractions en Chine continentale, qui possède des lois et punitions beaucoup plus sévères que Hong Kong (Chopra & Pils, 2022, p. 302). Chopra et Pils (2022) jugent que la loi sur la sécurité nationale étend disproportionnellement la juridiction des autorités centrales tout en réduisant le pouvoir judiciaire de Hong Kong, et restreint ainsi de manière significative les droits à la liberté d’expression, d’assemblée et d’association, ainsi que les droits à la vie privée, aux conseils juridiques et à un procès équitable défendus par la Loi fondamentale (p. 302-303).


Depuis l’adoption de la LSN, environ une personne par mois a été arrêtée pour cause de menace à la sécurité nationale, dont 105 de ces arrestations étant motivées par un discours politique dit inapproprié (Chopra & Pils, 2022, p. 307). En outre, le 6 janvier 2021, pas moins de 53 politiciens et activistes ont été arrêtés sous la LSN pour avoir organisé des primaires de partis politiques pan-démocrates en vue des élections au conseil législatif de Hong Kong (Chopra & Pils, 2022, p. 309).


Alors que Beijing prétend toujours respecter les accords initiaux de 1P2S, l’ensemble des exemples cités plus haut démontrent plutôt le contraire, plusieurs facteurs distincts pouvant expliquer le changement d’approche adopté par Xi Jinping. Tout d’abord, les stratégies de « l’ascension pacifique » de Hu Jintao et « Cacher nos capacités et gagner du temps » de Deng Xiaoping ayant été mises au grand jour, le secrétaire général Xi Jinping ne peut continuer de cacher les véritables intentions de la Chine vis-à-vis Hong Kong et l’ordre mondial (Goldstein, 2020, p. 178). La nouvelle approche de Xi ne renonce pas complètement à l’aspect coopératif proposé par Hu Jintao, mais anticipe plutôt que les acteurs internationaux seront beaucoup plus sceptiques face aux intentions de la Chine, et que l’engagement ne sera pas toujours réalisable (Cheng, 2021, p. 1014; Goldstein, 2020, p. 178). Lorsque la coopération échoue, l’approche de Xi appelle ensuite à puiser dans la richesse et la puissance croissantes de la Chine pour garantir ses intérêts fondamentaux (Goldstein, 2020, p. 178). Xi Jinping estime par conséquent qu’il est temps pour la Chine de façonner plus activement le monde dans lequel elle se développe sous la stratégie du « rêve chinois » au lieu de se contenter de s’y adapter (Goldstein, 2020, p. 169). Ainsi, la Chine de Xi se doit d’être audacieuse. Pour Hong Kong, cela signifie un affront beaucoup plus implicite, et une flexibilité nulle de la part de Beijing.


Cette stratégie du « rêve chinois » prend d’ailleurs forme à un moment où l’économie de Hong Kong est négligeable, voire obsolète pour la Chine continentale (Cheng, 2021, p. 1009; Liu, 2020, p. 4). Par exemple, alors qu’en 1978, l’économie de Hong Kong ne représentait pas moins de 16,6 % de la production économique totale de la Chine, en 2018, elle n’en constituait que 2,7% (Liu, 2020, p. 4). La ville de Shenzhen a même surpassé l’apport de Hong Kong à l’économie chinoise en 2017 (Liu, 2020, p. 4). D’après Liu (2020), non seulement le rôle économique de Hong Kong pour la Chine a considérablement diminué depuis l’adoption de 1P2S, mais son apport pourrait éventuellement devenir nul dans les prochaines années, d’autant plus que Xi Jinping semble prioriser l’idéologie et la sécurité nationale au désavantage de l’économie (p. 1, 16). Puis, contrairement aux premières années de 1P2S, Beijing n’est maintenant plus inquiet qu’un exode des talents à Hong Kong puisse affecter significativement l’économie chinoise, les professionnels de la Chine continentale étant désormais très bien équipés pour remplir ces positions (Cheng, 2021, p. 1013). Cette réalité ne fait que souligner une fois de plus la perte du pouvoir de négociation de Hong Kong envers la Chine.


De plus, les manifestations sur la loi d’extradition de 2019 et l’adoption de la loi sur la sécurité nationale en 2020 ont sans doute joué un rôle dans l’intensification de l’intégration de Hong Kong, puisque ces dernières ont considérablement réduit le soutien public et politique de 1P2S à Taïwan (Chen, 2022, p. 1039-1041). Certains universitaires sont même d’avis que les démonstrations de 2019 auraient favorisé l’élection de la présidente Tsai Ing-wen à Taïwan au lieu du candidat considéré pro-Beijing du KMT (Cheng, 2021, p. 1015; Lee, 2020, p. 213). Dans tous les cas, il est maintenant très peu probable que Taïwan adhère à quelque forme de réunification pacifique avec la Chine continentale (Wai Kwok, 2019, p. 147). Les conditions actuelles font que le gouvernement central n’a tout simplement plus besoin d’entretenir un climat de compromis à Hong Kong si une ouverture envers 1P2S n’est pas présente à Taïwan. Sans compter que Beijing semble avoir déjà intensifié ses activités militaires dans le détroit de Taïwan, réduisant significativement les espoirs de négociations pacifiques entre les deux acteurs (Blanchette & Medeiros, 2022, p. 68).


Ainsi, depuis que l’unification nationale a suivi son cours (du moins pour Hong Kong) et que la Chine s’est initiée au capitalisme, la nature du PCC requiert maintenant le démantèlement de l’entente 1P2S pour mieux régner (Wong & Xiao, 2018, p. 411). En effet, depuis 1997, 1P2S a permis à Beijing d’absorber graduellement Hong Kong afin de conformer la RAS aux besoins toujours plus exigeants du PCC (Wong & Xiao, 2018, p. 412, 417). La promulgation de la LSN laisse croire que ce processus est désormais réputé accompli. Rendre les différences de Hong Kong obsolètes par l’idée que « the island remains, but not the people », que ce soit par l’assimilation de la RAS dans le plan de développement de la Pearl River Delta Greater Bay Area (Guangdong-Hong Kong-Macao) ou par l’inauguration de Shanghai et Shenzhen comme nouveaux centres financiers internationaux, semble maintenant être l’objectif premier du PCC pour Hong Kong (Cheng, 2021, p. 1013; Dillon, 2021, p. 286).


Conclusion


Les arguments présentés dans cet article indiquent que les paramètres de « un pays, deux systèmes » ont toujours été, et seront toujours interprétés par Beijing, pour Beijing (Cheng, 2021, p. 1003). Ce que Hu Jintao ne pouvait oser avec 1P2S, que ce soit par l’influence économique de Hong Kong, la stratégie internationale du PCC ou les relations entre la Chine et Taïwan, le secrétaire général Xi Jinping peut désormais s’y risquer. Les différentes approches utilisées vis-à-vis Hong Kong depuis sa rétrocession ne seraient donc pas uniquement liées au caractère du secrétaire général au pouvoir, mais également à la capacité d’absorption de la RAS par la Chine sans subir de représailles dévastatrices. Bien que Xi Jinping soit un secrétaire général plus assertif et que ses politiques face à Hong Kong soient beaucoup plus assumées et moins tolérantes que celles de Hu Jintao, le changement d’attitude de Hu après 2008 laisse songer à la façon dont ce dernier aurait fait face à 1P2S aujourd’hui.


 

Cet article faisait initialement partie de l'année de publication 2022-23 et a été révisé par l'équipe yPolitika précédente.

 

Bibliographie


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